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Québec, Bavière: faits du même bois?
1 septembre 2018

Rencontre près du pont sur la Matapédia

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Nous avons quitté Carleton le mardi 14 août pour retourner à Saint Jean Port Joli et préparer la sculpture de Jo. pour son nouvel environnement. La famille Plouffe est partie le même jour que nous. Sur le chemin du retour nous nous sommes arrêtés sur une aire de repos qui se trouve juste à côté d'un pont couvert sur la Matapédia. Le genre de pont dont il est question dans le film "Sur la route de Madison". Tout de bois, peint en rouge, ouvertures sur l'extérieur à croisillons, toit argenté, une seule voie, mais empruntable par des voitures.

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Le temps est beau et nous voulons faire une petite pause pique-nique. Arrive alors vers nous un homme long et mince, sac au dos et une bouteille de plastique à la main. Il demande en français si nous n'aurions pas un peu d'eau pour lui. Nous en avons seulement dans une petite bouteille de laquelle on lui en transvase un peu dans la sienne. Nous nous présentons. Il porte un prénom composé du genre Jean-Mohammed. Son père est originaire de Marseille, mais peut-être Algérien. "Vous croyez que c'est possible?" Oui, les gens d'origine algérienne à Marseille ne manquent pas. En fait, il a été adopté et ne sait pas trop bien quelle est sa véritable histoire. Comme il voit qu'on va déjeuner, il demande si on n'aurait pas un petit quelque chose pour lui. Il a bien encore un paquet de cacahuètes, mais comme il a l'intention de continuer la route à pied, il aimerait bien les garder pour plus tard. Pas de problème, on va partager œufs durs, chips et tomates...

Je commence à comprendre que ce n'est pas un touriste ordinaire, ni un hippie "on the road". Il a très faim et dévore tout ce qu'on place devant lui. C'est un bel homme, il nous avoue 49 ans, quelques fils argentés dans sa chevelure très noire, des yeux foncés, mince, presque maigre et ses baskets ont connu des jours meilleurs. Peu à peu, il nous dévoile un peu plus de son histoire. Il vient d'Ottawa et après avoir été aide-soignant, il a été dépendant de la drogue (il ne dit pas laquelle) et interné en psychiatrie. Ce voyage représente une partie de la cure de désintoxication. Parfois à pied, parfois en stop, il parcourt le Canada et la dernière personne qui l'a pris l'a amené jusqu'en Gaspésie. Depuis Ottawa, ça fait un bout! À présent, il voudrait retourner chez lui à pied et une fois que la cure de désintoxication aura réussi,  devenir prédicateur. C' est sa véritable destination. Dieu lui a parlé et maintenant, il veut répandre la parole de Dieu. D'ailleurs, Dieu a pris totalement soin de lui pendant le voyage, il a toujours rencontré des gens généreux comme nous sur sa route depuis plusieurs mois. On lui a donné des chaussures, des vêtements, de la nourriture, tout cela est bien la preuve que Dieu veille sur lui. Il continue à dévorer le pain, le fromage, les chips. Je lui donne un œuf et une tomate pour la route... ah oui, un œuf, c'est bien, j'ai besoin d'énergie pour marcher, c'est très fatigant... En fait j'ai l'impression qu'il est à bout de forces, mais je me vois mal l'inviter à venir avec nous, vu que ce n'est pas notre voiture et nous n'allons pas chez nous. Je ne suis pas très sûre non plus de sa stabilité mentale. Le pique-nique terminé, je lui donne encore ce qu'il nous reste de chips et de pain et je lui souhaite une bonne continuation. Son regard devient soudain anxieux: je vous ai choqués? blessés? vexés? Pas du tout, mais on doit repartir, on nous attend ce soir. Bonne route, bonne chance... on part avec un petit sentiment de malaise parce qu'on sent bien qu'il est vulnérable, mais on ne voit pas ce qu'on peut faire de plus pour lui.

Tout ce que l'on peut souhaiter c'est que Dieu continue à s'occuper de lui, qu'il rentre sain et sauf à Ottawa et ne retombe pas dans la dépendance à la drogue.

Les yeux inquiets de Jean-Mohammed, son regard affamé, ses gestes maladroits, l'avidité avec laquelle il se jette sur la nourriture, comment il essaie d'obtenir un peu plus que ce que l'on est prêt à donner, sa confiance en un Dieu qui prendra soin de lui et dont il chantera plus tard les louanges... tout cela fait une drôle de rencontre avec un personnage qu'on n'avait pas prévu de rencontrer et qui nous fait penser à tous les enfants perdus, quel que soit leur âge, essayant désespérément de se sauver et de se raccrocher à un espoir...

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Où nous mène la route?

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Commentaires
C
J'aime beaucoup la photo en exergue qui, en plus, met tout ce chapitre en perspective..<br /> <br /> Et puis le motif des ponts, très présent. J'avais beaucoup aimé celui d'André Boisvert dans la biennale "Bavarois in situ' (ou Bavarachois?)
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Québec, Bavière: faits du même bois?
  • En juillet 2018 aura lieu à Saint-Jean-Port-Joli une Biennale de la Sculpture réunissant 7 artistes québécois et 7 artistes bavarois qui travailleront en tandem. Ce Blog accompagnera et documentera leur travail et fera découvrir leur environnement.
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